MOT DU CURE POUR LA TROISIEME SEMAINE DE PÂQUES

Frères et sœurs, voilà 7 dimanches déjà que nous ne nous rassemblons plus dans nos églises. Nous sommes nous habitués ? Sans doute après 1 mois et demi bientôt, nous avons accepté la situation et pris de nouvelles habitudes. Certains craignent que cette habitude soit un oubli. Très sérieusement, beaucoup se demandent devant la vie de la paroisse comme à l’arrêt, mais est-ce que cela reprendra un jour ? Est-ce que cet événement ne sonne pas la fin d’une certaine manière de vivre notre foi ? J’avoue ne pas avoir cette inquiétude, parce que je crois en notre foi. Si elle se nourrit de ses beaux moments de rencontre, elle se nourrit aussi de notre quotidien, de notre espérance, de notre fidélité dans la prière personnelle, de notre engagement, de notre souci de garder éveillé en nous la lumière qu’apporte la Parole de Dieu. Cette période qui nous supprime les fruits apparents de notre vie de foi, la joie de goûter à la prière en communauté, nous engage à faire des racines plus profondes. C’est comme un  long hiver. Tout semble dormir, et cela se peut en réalité. Tout dépend du feu qui couve sous la cendre…Nous avons besoin de racines, nous devons faire nos racines à nous, et je pense aussi aux jeunes et aux enfants que nous avons la joie de côtoyer au KT ou à l’aumônerie. Je le crois profondément, l’appel de l’Esprit Saint est bien là, pour chacun, l’appel à faire de ce  jeun forcé un moment de conversion de ma vie de prière, de mon sens de la responsabilité de l’ensemble de la communauté chrétienne à laquelle j’appartiens, de mon sens de l’importance de ma participation à rendre ce moment plus humain. Et c’est malgré les erreurs, les faiblesses, parfois les mesquineries, globalement le spectacle que nous offre cette période. Un fantastique réveil de la solidarité, de la proximité. Attention, je ne saurais le dire et le redire, il n’est pas ici question de donner à cette situation finalement une bonne raison d’être. Dans notre conception de la providence divine, si rapidement nous opérons des glissements inacceptables, comme le fait de penser que finalement, il fallait quelque chose comme cela pour nous réveiller. Jésus lui-même dans l’évangile ne se permet pas de le dire, je l’avais déjà souligné avec vous. Devant les hommes qui veulent lui faire dire que les personnes mortes apparemment par malchance à cause de l’écroulement de la tour de Siloé, devaient être de plus grands pécheurs que les autres. On cherche toujours à penser qu’un mal finalement nous est arrivé un peu envoyé par Dieu, en vue d’un bien plus important. Le Dieu auquel je crois ne prend pas en otage la vie innocente même au nom d’un fin bonne en soi. Mais cette expérience immanquablement nous déstabilise et nous oblige alors à découvrir un autre équilibre, un aspect nous manque et nous développons  à la place une autre vitalité que nous avions laissé dormir. Car notre défaut à tous, le plus universellement partagé est sans doute l’habitude, cette facilité à vivre en pilote automatique, sans plus aller plus loin, vivre  de nos acquis, sur notre réseau, à la place que nous nous sommes faite. Personnellement, dans ma vie, les périodes de plus grand éveil, transformation, ont toujours été les périodes de changement , tous les grands changements de ma vie, des changements radicaux qui m’ont mis à nu, m’ont sorti d’un milieu où j’avais ma reconnaissance, m’ont  déposé là où je n’étais personne, où tout était à faire, Là où j’étais comme impuissant, et obligé de me remettre d’une manière de nouveau radicale entre les mains de Dieu. Après tout ce n’est pas si étonnant, c’est bien le chemin  d’Abraham notre père dans la foi à qui il a été demandé de quitter avant tout sans savoir où il allait. C’est encore le chemin du peuple de Dieu commencé une nuit, où soudain, il fallut quitter des maisons, des quartiers, des amis, que l’on côtoyait depuis toujours, laisser les meubles, le confort, et ne prendre qu’un bâton, une boule de pain non levé et prendre la route avec trois fois rien vers le désert. Ce temps n’est pas un temps perdu, mais un temps par lequel Dieu passe dans nos maisons, nous invite à lui redonner une place que peut-être il avait perdu dans notre vie à la maison. Dieu nous parle, frères et sœurs, et aujourd’hui comme hier, étonnamment il nous convertit davantage dans la nudité, le manque, que dans l’abondance. Nous passons avec lui, traversons ce temps, avec au cœur notre espérance, traversons ce temps avec tous ceux qui peinent, souffrent, n’en peuvent plus, traversons ce temps ensemble dans la profonde unité de notre prière les uns pour les autres, traversons ensemble, hâtons le pas ! Ne regardons par en arrière, en gémissant sur nos célébrations comme le peuple gémissait sur ce qu’il avait laissé en Egypte. A travers ce temps de jeun, d’incertitude, de souffrance, d’inquiétude, laissons nous appeler plus loin. Laissons-nous rejoindre là où nous sommes par Jésus comme les disciples d’Emmaüs. Oui, je le crois, si nous ne pouvons venir à lui dans nos assemblées, Jésus vient à chacun de nous dans notre quotidien, sachons le reconnaître. Bonne semaine à tous !