La lettre du secteur pastoral de Pessac, 16 mars 2016

                         Temps de Carême et du Jubilé de la Miséricorde

 

         Un cycle de 4 conférences partages, à l’église St JM Vianney, 19h

-       12 février avec le père Christian Alexandre

-       26 février avec le père Benjamin Tine

-       4 mars avec le père Francis Bacqueyrisses

-       11 mars avec des membres des aumôneries des prisons

et le 19 mars, la marche des Rameaux par nos 3 églises, à partir de 15h

                                           

Rencontre du 11 mars avec Bernard Lacampagne, Marie-Noëlle Giraud et Véronique Gamblin, membres des aumôneries de prison à Gradignan

                                                                (notes non exhaustives de Jacques Da Rold)

Evoquer la Miséricorde dans un lieu si particulier que la prison nécessite que l’on se départisse de nos « clichés » sur ceux qui y sont incarcérés, sans se poser la question de savoir « pourquoi sont-ils là ? », sachant que nous avons tous également nos faiblesses et que nous ne sommes pas si différents d’eux. Bernard nous rappelle à cet effet que « tout homme est une histoire sacrée » et ces paroles du pape François s’adressant aux aumôniers de prison en octobre 2013 : « Pourquoi lui est-il là et pas moi qui ai tant de raisons pour y être ? Penser à cela me fait du bien : car les faiblesses que nous avons sont les mêmes, pourquoi lui est-il tombé et ne suis-je pas tombé moi ? Cela est un mystère qui me fait prier et me fait sentir proche des prisonniers. » Il s’agit là de l’intime conviction que la miséricorde de Dieu s’adresse à chacun et chacune d’entre nous. La miséricorde c’est de voir l’homme et non ses actes. A cet effet, le rôle de l’aumônier est d’apporter de l’humanité au sein de la prison avec les prisonniers mais aussi le personnel de surveillance, témoignant de la miséricorde par notre propre attitude.

Le problème du déni des actes commis est cependant parfois difficile à appréhender, posant question vis-à-vis du respect dû aux victimes…et de la grâce du sacrement de réconciliation. Notre confiance en la miséricorde de Dieu rend alors supportable cette mission et tel que le rappelait le pape François : « Dieu pardonne tout, fait table rase, a tout oublié ». Marie-Noëlle fait remarquer que le déni est parfois nécessaire pour continuer à vivre après avoir commis des actes graves comme un parricide ou un infanticide ! Le 1er sacrement à partager est celui du frère qui est là, de la parole entendue et écoutée : « vous avez foi en moi (dans le Christ), j’ai foi et dans le Christ il demeure un possible pour chacun ».

Marie-Noëlle propose aux prisonniers un chemin de vérité pour découvrir la miséricorde de Dieu : Jésus a dit « Je suis le chemin, la vérité et la vie » Il faut avoir le courage de se mettre en marche : « Va, prends ton grabat et marche » (Mc 2,10-11). Le Christ est le chemin pour le passage à l’humain. Considérer l’homme (ou la femme) dans sa dignité d’être humain et la vérité de chaque homme au-delà de la vérité de la justice, comme autant de chemins de résurrection de la mort vers la vie, est indispensable en prison plus qu’en tout autre lieu. La prison est un lieu de violence, maisc’est aussi un lieu d’amour.

Véronique, près des femmes, insiste sur l’importance des « portes », portes fermées, pour entrer et sortir, porte de la cellule, du parloir, des douches, de la cour… et propose en chemin de miséricorde la prière lors de leurs passages des portes de la prison, comme l’a suggéré le pape François : « chaque fois que les prisonniers passeront la porte de leur cellule, en adressant leur pensée et leur prière au Père, puisse ce geste signifier pour eux le passage de la Porte Sainte, car la miséricorde de Dieu, capable de transformer les cœurs, est également en mesure de transformer les barrières en expérience de liberté ».

La miséricorde passe aussi par la « relation » avec la victime … avec toutes les douleurs que cela confère et parfois des questionnements. Quelle miséricorde pour une mère qui a tué son enfant ?! La coupable, c’est elle ! La victime, c’est elle ! Et, comment peut-on oublier la souffrance des proches, de la famille que l’on rencontre (ou pas) au parloir : comment trouver la force de se pardonner le mal fait à sa famille du fait de ses actes et de sa détention ?

La miséricorde en prison se vit au quotidien, en aidant les détenus(es) qui viennent d’arriver dans leurs démarches. La miséricorde c’est aussi parfois de belles surprises telles que l’acceptation d’un juge de laisser à une détenue son bébé jusqu’à la fin de sa peine (dans le quartier des mères).

Le sacrement de réconciliation est un levier pour se remettre debout, en montrant à chacun qu’il est digne de recevoir le pardon de Dieu : le détenu se sent alors « aimable » grâce à cette parole de miséricorde : « je t’aime, tu es précieux à mes yeux » : ne te méprise pas, je veux que tu me fasses confiance…repose-toi dans mon amour. 

L’aumônier est là, « pour entendre l’indicible » (Véronique Magron, théologienne dominicaine)

Et, selon l’expression de Marie-Noëlle, la Miséricorde, c’est quand Dieu tend une corde pour tirer notre misère.

A l’issue de ces témoignages tout à la fois lucides et émouvants car le monde de la prison est violent mais aussi empreint de chaleur humaine, le partage permit de préciser la place de l’aumônier, présent dans l’enceinte de la prison mais pas hors des murs. Les anciens détenus, libérés, souhaitent tirer un trait sur ce passé et l’aumônier se doit de respecter cette attitude. La poursuite de contacts est fortuite et relève de cas particuliers, d’autant que l’aumônier n’est pas prévenu des départs et transferts.

D’autre part, il ne s’agit pas de s’immiscer dans l’action des services sociaux.

Pour cette mission, il est nécessaire d’avoir « le recul » : on « entre dans la prison » et lorsqu’on en sort (ce qui n’est pas le cas des détenus), la vie continue.

De cette mission, on reçoit plus que ce que l’on donne et on est assuré que « Dieu est avec nous ».