La lettre du secteur pastoral de Pessac,   

1e  mars 2016

                           « Religions du Livre et société française actuelle »

 

         Un cycle de 4 conférences partages, à Pessac, salle de la Fraternité, organisé

par l’Eglise Protestante (« Présence au Monde »)  et l’Eglise Catholique de Pessac

-         11 février, 18h30 : le Christianisme avec le père Christian Alexandre, curé de Pessac et Raymond Chamard, pasteur de Pessac

-         3 mars, 20h : le Judaïsme avec Didier Guedj, membre du consistoire de Bordeaux et des amitiés judéo-chrétiennes

-         17 mars à 18h30 : l’Islam avec Mahmoud Doua, imam de la mosquée de Cenon

-         31 mars à 20h : table ronde avec l’ensemble des intervenants animée par Jean-Michel Dauriac, président de Présence au Monde et doctorant en théologie protestante

         Conférence du 11 février : le Christianisme.

                                                       notes de Jacques Da Rold et de Marie-Laure Vigier

 

            Intervention du père Christian Alexandre

 

Chaque bouleversement profond dans l’Eglise s’appuie sur la revendication d’un retour à l’Evangile, avec le pape François aujourd’hui mais également avec St François d’Assise, Luther, Thérèse d’Avila, Thérèse de Lisieux… le Nouveau Testament étant ainsi « la source de notre foi chrétienne ». Notre foi repose sur une personne : Jésus-Christ plus que sur des écrits mais nous n’avons que ces textes, médités en Eglise et non parole directe de Dieu, pour le découvrir.

Beaucoup de questions ont été posées sur la formation du Livre. La constitution de l’Ancien Testament semble se concentrer, selon les connaissances actuelles, autour  de l’Exil à Babylone (années 597 à 538 avant j.c.) : en déportation, les juifs ont éprouvé le besoin de fixer en récits les traditions de leur histoire, pour leur servir de repères.

 Le Nouveau Testament a été composé lui aussi dans le temps. Les premiers évangiles entre 70 et 100 approximativement …

On ne peut parler d’un texte « révélé » mais  plutôt d’écrits « inspirés » au cours des siècles. Ce sont des paroles humaines, rédigées par des hommes en lien avec leur environnement, avec dans ces textes les traces des époques au cours desquelles ils ont été écrits. Ils ont donc besoin d’être interprétés pour découvrir, à partir de la foi vécue à une certaine époque et du contexte historique, les éléments qui nous interpellent encore aujourd’hui.

Il est impossible d’accéder à un savoir sur Jésus de manière directe ; la connaissance de Jésus passe par les récits qui ont été écrits sur lui, dans des contextes locaux, de Jérusalem, Rome, Grèce, d’Alexandrie…

 L’Eglise a aussi donné à certains écrits, fruits de la tradition, un statut privilégié : actes des conciles, œuvres  de théologiens ou de grands spirituels. Ils constituent la  Tradition de l’Eglise, une référence incontournable pour elle.

A chaque fois qu’il y a de nouvelles formulations à partir d’un texte on part à la recherche du sens profond caché derrière les formules historiquement datées et on  essaye de faire mieux.

Pour illustrer ses propos, le père Christian propose de reprendre le schéma de l’homologie structurale utilisé par Pierre Bourdieu et repris par Pierre Gisel dans « Vérité et Histoire » de 1977.

 Nos conditions d’existence, nos approches théologiques et philosophiques, les conceptions morales qui s’imposent à nous sont  en perpétuelle évolution. On essaye d’arrêter le temps pour trouver la Vérité alors que celle-ci se place dans un « nouveau temps », un nouveau contexte, de nouvelles cultures. La foi se construit au croisement de tous ces éléments exprimant ainsi notre rapport avec le Livre dans  sa complexité.

Traditionalisme et intégrisme viennent de ce que l’on met une égalité entre une formulation de la foi historique et une conception actuelle …

L’intérêt particulier de la foi chrétienne réside au contraire dans le fait qu’elle s’appuie sur des écrits et une Tradition d’une grande diversité.

Le défi que le chrétien doit sans cesse relever est de découvrir comment la parole de Jésus telle qu’elle nous a été transmise, en lien avec un contexte particulier, peut être vécue dans le contexte qui est le nôtre aujourd’hui.

Les chrétiens d’aujourd’hui sont invités à trouver les comportements adaptés à leur époque tout en posant question par les écarts qu’ils apportent aux manières d’être de leurs contemporains. Par leur écoute, leur compréhension de leurs frères, par la miséricorde dont ils font preuve ils sauront rejoindre leurs contemporains afin qu’ils se reconnaissent en eux. Une fois adoptés comme semblables, ils pourront donner à voir les écarts auxquels leur foi en Jésus-Christ les amène.

Ils pourront  alors être  reconnus tout à la fois comme étant à l’écoute du monde et témoins de l’Evangile.

Mais, nous ne trouvons pas dans la Bible toutes les réponses à des questions qui nous interpellent  aujourd’hui telles que la contraception, l’avortement, la fin de vie, l’homosexualité…mais aussi le droit à un logement décent, à un travail, à l’éducation…Nous sommes condamnés à inventer face aux situations qui nous questionnent.

En conclusion, le père Christian nous rappelle ainsi que notre relation au Livre est une incitation à trouver des réponses humaines animées par l’esprit de Jésus-Christ.

            Intervention de Raymond Chamard, pasteur de Pessac

En préambule, Raymond Chamard précise qu’il y a chez les protestants une diversité d’opinions et de lectures de la Bible.

Pour les évangéliques, communauté dont il est membre, la lecture de la Bible est proche de ce qui est écrit, avec des difficultés parfois pour accepter une lecture littérale de l’Ancien Testament, attestant de l’existence réelle d’Abraham ou de Moïse.

Le terme « religion du Livre » s’appliquerait plus à l’Islam qu’au christianisme.

Le christianisme est plutôt la religion de la parole, du verbe incarné.

Le Christ n’est pas venu pour fonder une religion ; il est venu en sauveur du monde.

La parole de Dieu a été soufflée par l’Esprit Saint. C’est un mystère de l’inspiration de Dieu dans les Ecritures. La Bible n’est pas un texte comme les autres ; c’est parole de Dieu et parole d’hommes avec des auteurs aux styles spécifiques. Mais au-delà des différences, et parfois des contradictions, on peut considérer que la contradiction a un sens dans un message général sur Dieu. L’Ecriture fait ainsi autorité car il y a action de Dieu.

C’est pour cela que la Réforme au 16e siècle a placé l’Ecriture au dessus de l’expression de la foi.

Mais, l’homme doit se saisir du texte pour le travailler, rechercher le sens, la signification, déchiffrer, décoder le message. Le texte n’est pas intouchable, pas sacré : seul Dieu est sacré !

Le facteur culturel : il faut en tenir compte car il n’y a jamais de lecture neutre mais éviter la tentation pluraliste, à chacun sa vérité. Le défi pour une éthique moderne est de discerner ce qui a valeur universelle permanente. Pour cela nous avons besoin de l’aide de l’Esprit Saint  dans notre dialogue avec Dieu.

Il apparaît qu’il est plus facile de s’accorder sur des thèmes doctrinaux, de la foi, que sur les thèmes éthiques. Il y a au sein des protestants des divisions sur les questions d’éthique moderne telles que le mariage pour tous. Cela divise lorsque l’on veut être « à la traîne » de la société.

Des questions telles que la GPA, marchandisation du corps humain, la fin de vie…devraient pouvoir recevoir une réponse commune interreligieuse entre chrétiens…et même au-delà. Des valeurs éthiques commencent à se partager comme celles concernant l’accueil des réfugiés.

Le  danger demeure de tomber dans un relativisme absolu en faisant de l’homme la  « finalité » et en oubliant la transcendance : Dieu est au-dessus de l’homme, pour donner un sens à la vie.

Lors du partage,le père Christian précisa que , certes Jésus n’a pas voulu créer une religion mais qu’il faut une « forme » pour « être en communauté », des repères, sans en être prisonniers.

Et suite à une question sur l’universalisme du christianisme, il fut rappelé que celui-ci a été propagé dès les écrits  de Paul, mais avec un pluralisme de lectures.

Christiane Courio rappelle qu’il convient de développer l’ouverture à l’autre et que la lecture en groupe des Textes fortifie la foi.

A cet effet, Raymond Chamard précisa que la lecture fondamentaliste des Textes ne conduit pas à l’intégrisme si on n’impose pas son avis et Jean-Michel Dauriac rappela que le partage de la Parole était habituel chez les protestants ; les groupes de parole sont des lieux de partage et de confrontation.

(Notes prises en cours de réunion, non exhaustives. Un compte rendu complet enregistré sera disponible à l’issue des 4 conférences près de « Présence au Monde »)