La lettre du secteur pastoral de Pessac, 23mars 2016

                         « Religions du Livre et société française actuelle »

         Un cycle de 4 conférences partages, à Pessac, salle de la Fraternité, organisé

par l’Eglise Protestante (« Présence au Monde ») et l’Eglise Catholique de Pessac

-       11 février, 18h30 : le Christianisme avec le père Christian Alexandre, curé de Pessac et Raymond Chamard, pasteur de Pessac

-       3 mars, 20h : le Judaïsme avec Didier Guedj, membre du consistoire de Bordeaux et président des amitiés judéo-chrétiennes

-       17 mars à 18h30 : l’Islam avec Mahmoud Doua, imam de la mosquée de Cenon

-       31 mars à 20h : table ronde avec l’ensemble des intervenants

        

Conférence du 17 mars : l’Islam avec l’imam Mahmoud Doua

           (Notes personnelles de Jacques Da Rold prises en cours de réunion, non exhaustives. Un compte rendu complet enregistré sera disponible à l’issue des 4 conférences près de « Présence au Monde »)

                                                                     

En introduction, l’imam Mahmoud Doua précisa que l’Islam pouvait et devait,en notre pays, se penser dans la culture française, et de ce fait on peut aborder la proximité avec les juifs et les chrétiens. Pour les musulmans, dans le Coran, Dieu s’est fait « lettre » alors que pour les chrétiens Dieu s’est fait « chair » !

Les différents versets du Coran ont été révélés au prophète Mahomet et transmis par voie orale. Ces différents versets, compilés et rassemblés furent ensuite écrits en arabe, du temps du prophète, ce qui aurait été authentifié sur le plan archéologique. Ces textes ont été remis à la veuve du prophète, Hafsa, ce qui, « soit dit en passant », montre la place et la dignité de la femme chez les musulmans.

Ces textes furent ensuite copiés pour être transmis dans les différents pays de l’Islam.

Le Coran comporte 60 chapitres (les sourates) et 4200 versets.

Il est psalmodié en arabe, la langue du prophète, pour le côté spirituel, pour s’imprégner de son esprit : le mystère de la lettre.

Mais il est nécessaire, tout comme pour les Livres des juifs et des chrétiens qu’il y ait des clés de lecture du texte et son interprétation. Pour ces clés de lecture et l’interprétation du Coran, celui-ci est traduit dans la langue du pays où le musulman habite.

Cependant, la sacralité du Coran ne concerne pas les interprétations et traductions.

Les thèmes du Coran concernent essentiellement la charia, qui plus que la « loi » est la « voie » ; c’est une erreur de limiter le Coran à des lois qui ne concernent que 5 % du texte.

Le Coran parle d’abord de Dieu, avec une matrice lue chaque jour, comme le Notre Père des Chrétiens, matrice invoquant la Miséricorde de Dieu, son Amour et plus précisément son Affection.

Dieu se révèle par ce terme de Miséricorde en arabe qui se réfère à un attribut féminin, l’utérus de la mère. ( tel que nous l’avait précisé Mouna Zaiter lors de la rencontre du 5 décembre).

Le Coran reprend la majorité des récits bibliques, avec la même source : la parole de Dieu qui se révèle au fil des siècles selon les cultures et les contextes du moment, mais c’est une « réforme » du judaïsme et du christianisme avec de « légères » différences dans le but de rétablir ce que l’homme a mal interprété ou mal compris.

Il y a ainsi des interactions entre la Bible et le Coran avec des interprétations différentes : par exemple à propos de la création d’Eve et d’Adam, avec, dans le Coran, dès le départ, l’égalité entre l’homme et la femme et l’absence de péché originel, mais bien au contraire une bonté originelle, la faute venant de l’homme et de la femme.

Le récit de Noé dans le Coran préserve l’espoir et, dans le récit d’Abraham, c’est en rêve que Dieu lui demande de tuer son fils…car Dieu ne peut demander l’impossible et l’Islam ne cherche pas à se mesurer à Dieu.

Tous les prophètes, y compris Jésus, sont reconnus par l’Islam et un chapitre est consacré à Marie.

Dans le Coran, le verbe de Dieu est un verbe d’acte, l’Esprit de Dieu étant soufflé dans l’âme humaine au 40e jour de la grossesse.

Le Coran est ainsi un livre de sens, pour chercher un sens à notre vie.

La charia est la voie qui mène à Dieu et la 1ère pratique à cet effet est la prière. Elle est garantie en France par la loi de 1905 et ainsi on peut dire que la charia se pratique en France, dans le respect de la république et de la laïcité !

Le Coran garantit d’ailleurs, contrairement aux idées reçues, la liberté de conscience.

En ce qui concerne les lois et normes alimentaires, elles sont du domaine du symbole comme la purification de l’eau mais elles sont moins strictes que les lois de la Torah chez les juifs. Il n’y a d’ailleurs que 2 versets sur les lois alimentaires, liées à des normes d’hygiène de l’époque et du lieu (avec la chaleur du Moyen Orient) et on insiste trop en notre pays sur ces pratiques avec des polémiques sur les cantines scolaires.

En ce qui concerne les relations homme-femme, il s’agit d’une application du contexte historique, la réalité du 6e siècle au Moyen-Orient étant inégalitaire.

Le principe de la guerre, réduit à la sourate de l’épée, est lié à la nécessité pour le prophète qui était homme d’Etat de se défendre de ses ennemis de Médine ; cela ne correspond nullement au djihad.

Le djihad est l’effort que le croyant doit faire d’abord envers soi-même pour orienter ses passions…et non la haine de l’autre.

Ainsi, à l’instar de l’iman Tareq Oubrou dont il rappela la parution récente du livre « Ce que vous ne savez pas sur l’Islam, répondre aux préjugés des musulmans et non musulmans, » aux éditions Fayard, l’iman Mahmoud Doua est convaincu que l’Islam, avec le Coran, pensé et enseigné dans la culture française, est une source de Vivre Ensemble.

 

l’imam Mahmoud Doua

 

Le débat compléta cette vision de l’Islam qui a nul besoin de lois nouvelles de laïcité, conduisant aux communautarismes ou aux restrictions des libertés religieuses. Cependant, pour pallier aux carences et amalgames, il serait utile que le fait religieux (et non la religion) soit enseigné dans les écoles…mais, par qui ? Le père Nabil donna comme exemple de Vivre-Ensemble, le Liban…avant la guerre et l’immixtion du politique. Quand la religion devient une identité politique ou communautaire cela devient dangereux. Le dialogue inter religieux est à cet effet nécessaire, en évitant d’être chacun persuadé de détenir la vérité, tel que le précisa le père Francis.